MESSAGES DU FRÈRE CHRISTOPHE À SES "ENFANTS"

Le Père Christophe LECLERC fut prêtre à Marrakech; retiré dans la communauté franciscaine de Toulouse, parce que celle d'Aix en Provence fermait, il était le doyen des frères de cette communauté jusqu'à la fin de ce mois de février 2009. En raison de sa maladie il fut nécessaire de l'hospitaliser dans une maison de retraite médicalisée des franciscains de Nantes.
Il était parfaitement conscient que sa fin sur cette terre s'approchait et a laissé plusieurs écrits à ses amis. Il est possible de les trouver sur le site des franciscains de Toulouse et sur le site de Marc Bitterlin. Cliquer ici: FRÈRE CHRISTOPHE

Parmi ses écrits trois apparaissent particulièrement significatifs aujourd'hui: deux poèmes et le récit d'un songe.

D'abord un court poème qui montre bien qu'il s'était préparé à "renaître":

COMME UN VOLEUR

Je viens chanter de tout mon cœur
Quand viendras-tu comme un voleur
Me prendre souffle et tout mon être
Transfigurer pour tout renaître ?

L’esprit, le corps tu m’as prêtés,
Pour un cantique, tu m’as formé,
Je te les rends, tout en morceaux,
Tu les reprends tout en lambeaux.

Plus rien t’offrir qu’un pauvre infirme,
Plus rien chanter que notes fausses,
Plus un poème où rien ne rime,
Mais à ton cœur, que tout rehausse.

Frère Christophe 2009

Christof02

Fraternité franciscaine de Toulouse, novembre 2008

Un deuxième poème qui ressemble à un testament écrit à ses "enfants":

ÉVOCATION D’UNE VIE

Sur tes chemins, je vais, Seigneur
Sur ton chemin, vers l’heure je cours
Faut pas manquer mon arrivée
En fils prodigue, épris d’amour.

Tu m’as conduit, le rescapé
En souvenir, j’ai voyagé
En mal d’amour, en mal aimé
Vers l’inconnu , tout isolé

Partout, tes yeux m’ont poursuivi,
Partout tes yeux m’ont accueilli,
En fils prodigue, j’aurais tout vu,
Mais l’ennemi, je l’ai mal vu.

J’ai dépassé toute frontière,
Parfois lumière, parfois l’ornière,
Seul sur la branche comme une feuille,
Suis revenu servir au seuil

En jardinier, j’ai fort planté,
En jardinier, j’ai tout fleuri,
En jardinier, bien récolté,
En jardinier, tout plein d’amis

En pèlerin, j’ai rencontré,
Jeunesse folle ou l’âge mûr,
Pour éveiller ou réveiller,
Tous les cœurs libres, tous les cœurs durs.

Déraciné sur mes vieux jours,
Vieux chêne, tout rabougri,
J’offre la paix, j’offre l’amour,
C’est toi, Seigneur qui nous l’a dit

Ma plume aidant, mon cœur saignant,
Je crie vers toi, tout pantelant,
Suis affamé d’eucharistie
Je l’ai servie toute ma vie.

« Mains vertes imbibées d’ondes,
Sculpteur sur bois, ouvert au monde,
Semant la vie, surtout la foi,
Corps et esprit, tout à la fois

Suis un vieux chêne, prêt au ciseau,
A toi d’en faire une sculpture,
En pèlerin, grandeur nature
En suppliant, le seul Très haut.

J’aurai(s) Seigneur, beaucoup souffert,
Toute ma vie, parfois l’enfer,
J’aurai reçu, beaucoup de toi,
Pour le donner à bon aloi.

Encore un mot, pour cette nuit
Je t’ai cherché, Tu m’as trouvé
C’est toujours Toi qui m’as aimé
C’est toujours Toi, et moi aussi.

Ce dernier mot sera merci,
Merci à Toi, merci à tous,
Merci des fois pour le pardon,
Merci des fois pour l’abandon.

Je te regarde, enfant mort-né,
Je te regarde, au cœur meurtri,
Je te regarde, le crucifié,
Je te contemple, ressuscité.

Frère Christophe Leclerc

 Christof01
Fraternité franciscaine de Toulouse, novembre 2008

Nous ajouterons le récit d'un songe qui semble raconter la vocation du frère Christophe (celui qui porte Christ ) et qui nous interpelle en ces jours où nous approchons de Pâques. D'après les frères franciscains de Toulouse, il s'agirait d'un vrai songe que le frère Christophe aurait  eu vers la fin des  années 70.

UN SONGE… JE M'EN SOUVIENS.
C’était en pleine tempête. Il pleuvait des cordes… et des cordes. Des éclairs sillonnaient l’azur. Il faisait nuit noire, noire comme de l’encre. Des gens couraient de partout. La panique… J’ai crié : « Arrêtez ! il n’y a pas le feu ! Eh ! les commerçants, les vendeurs ! Que vendez-vous ?... »
Mais mon cri s’est perdu comme dans un désert…
Je me suis arrêté, j’ai buté contre un corps qui allait mourir.
Et j’ai vu… oui, j’ai vu.
J’ai regardé l’homme… Oh ! il avait à peine trente ans.
Oh ! ça, alors, ils ne l’ont pas arrangé !
J’ai vaguement deviné quelques mots, il disait : « Ils m’ont vendu, il m’ont pendu avec trois clous. Ils m’ont abandonné… ».
J’ai dit : « Comment ça, ils… »
Il m’a dit : « Prends moi dans tes bras… »
Ah ! les salauds, je pensai. Mais il m’a dit : « Non, ils ne savaient pas. »
Alors, j’ai pleuré. Et son corps dans mes bras est devenu très lourd, comme-si ils étaient plusieurs… comme une lourde pierre… Et de chagrin, j’ai eu envie de dormir, j’ai entendu ces derniers mots : « Dors avec moi, veillons ensemble… un peu plus d’une heure jusqu’au lever du jour… Et tu verras… »
Quand je me suis réveillé, je me suis levé, je boitais comme au sortir d’un rêve.
Frère Christophe

Un ami chrétien protestant du Père Christophe commente ce récit:
Ce songe contient de nombreuses allusions aux Évangiles et même à la Torah (premier testament) notamment avec le songe de Jacob, celui qui s’est mis à boiter après un combat dans la nuit. Il témoigne de la connaissance intime que le frère Christophe avait de la Bible. Concernant les Évangiles le début du songe fera penser à la «colère du ciel» lors du vendredi saint, aux vendeurs chassés du temple par Jésus, à l’importance du désert dans la rencontre avec Dieu, au blessé relevé par le bon samaritain, à la victime reconnue comme l’Homme (ecce homo). On remarquera l’allusion à ceux qui comme son ami Juda vendent celui qui les dérange, l’allusion à ceux qui comme Pilate et les autorités en place crucifient celui qui gêne, l’allusion à ceux qui comme Pierre et ses amis  l’abandonnent  à son sort.
Les paroles de Jésus sur la croix : « ils ne savent pas ce qu’ils font » suivies des pleurs permettent de penser que la « lourde pierre » est celle du tombeau qui sera ouvert au matin de Pâques. L’envie de dormir et la veille jusqu'au matin feront penser à la dernière nuit de Jésus sur le mont des Oliviers où il demanda à ses disciples endormis de prier avec lui.  La fin de la phrase « Et tu verras » est à comprendre « Et tu croiras » comme le savent tous ceux qui ont lu les épîtres de Paul.
Il y a cependant une image de ce songe qui n’est pas dans les Évangiles, car Jésus expire sur la croix et pas dans les bras de ses proches. Ce passage est propre au frère Christophe, car ce prénom qui lui a été donné le jour de son baptême vient du grec et signifie « celui qui porte Christ », un prénom vocation, incarné par une belle "addiction" à l’eucharistie et par un témoignage constant. On le sentait habité par Celui qui a révélé que Dieu avait le coeur aimant d'un Père.

Les amis du frère Christophe disent leur sympathie à son frère biologique, Eloi LECLERC, franciscain lui aussi, qui a publié: Saint-François d'Assise, le Retour à l'Évangile 1981, ainsi que plusieurs autres titres comme Pâques en Galilée 2003, Sagesse d'un pauvre, Exil et tendresse 2007,..

Rappelons à celles et ceux qui voudraient accompagner le frère Christophe à sa dernière demeure terrestre, en se déplaçant ou par la pensée et la prière, que la célébration funèbre aura lieu à la chapelle des franciscains de Nantes demain mardi 31 mars à 14h30. 1, Rue du Colonel Desgrées du Lou (place Canclau)
L'inhumation a eu lieu au cimetière Saint-Clair de Nantes ( à 2 kms de la chapelle) Une gerbe de fleurs a été déposée sur sa tombe de la part des anciens de Marrakech, grâce à Hélène Caillens qui a pu assister à son dernier voyage terrestre.

frereChristof

Par ailleurs pour les gens de la terre d'OC, l'office des frères franciscains du Jeudi 2 avril à 18h30 sera  particulièrement marqué par le souvenir du frère Christophe, l'approche de la Passion et  de Pâques.
27 rue Adolphe COLL 31300 Toulouse.  Cliquer pour plus d'infos: Table ouverte

Certains voudront probablement ajouter en commentaires en quoi les écrits du frère Christophe  leur évoque des souvenirs ou des pensées.