UNE PHOTOGRAPHIE EXCEPTIONNELLE DU DÉBUT DU XXe SIÈCLE

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Les premiers français à constituer un groupe à Marrakech en compagnie de Si Omar ben Mejjad. Cette photographie est extraite du livre: "La sorcellerie au Maroc" du Docteur Emile Mauchamp , 314 pages, publié  à titre posthume, Dorbon-Aîné éditeur, Paris 1910.

De gauche à droite debout: M. FIRBACH, Louis GENTIL, M. LASSALAS, Paul BOUVIER, M. FALCON, M. BOUJO.

Assis: Mme GENTIL (et sa fille Suzanne), Si Omar ben MEJJAD, Mme FALCON ( et probablement sa fille), Mlle GARZON.

La photographie est probablement de fin mars ou avril 1907 ou en tout cas de peu postérieure au 19 mars 1907, date où le Docteur MAUCHAMP a été assassiné devant le dispensaire qu'il avait créé en 1905. Il n'avait pu s'y réfugier car il n'en avait pas la clé et la personne qui aurait pu lui ouvrir était sortie. 

Nous présentons les personnes rassemblées sur cette photo, ce que n’ont pas fait ceux qui ont publié le livre.

Si Omar Ben MEJJAD est une des principales personnalités marocaines de Marrakech qui a accueilli les ressortissants français au début du XXe siècle à l’époque du Sultan Abd El Aziz. Un autre français, le photographe Gabriel VEYRE, conseiller du sultan, n’était plus à Marrakech en 1907 car il avait déménagé pour créer une entreprise à Casablanca. 

Plusieurs livres parlent de Si Omar ben MEJJAD, agent consulaire de France à Marrakech : Eugène Aubin écrit dans "Le Maroc d'aujourd'hui", publié chez A. Colin en 1905, et réédité à Casablanca en 2004 sous le titre "Le Maroc dans la tourmente, 1902-1903":

"La protection française s'étend sur Si Omar ben Mejjad, agent consulaire de France et sur Si Mohammed ben Abdelaziz Barrada, comme censal de la maison Braunschvig de Tanger. Le premier est un riche propriétaire arabe très considéré dans la ville; le second, d'une famille maure de Fez, est l'un des premiers parmi les négociants musulmans de Marrakech. Ses magasins donnent sur un joli patio, décoré de reliefs en plâtre et de plafonds enjolivés; les soieries de France, les draps d'Allemagne, les cotonnades d'Angleterre y sont méthodiquement classés......"

Un autre français, Abel BRIVES, géologue dans: "Voyages Au Maroc:1901-1907", édité à Alger en 1909 (612 pages), décrit son passage à Marrakech en septembre 1903, lors de son deuxième voyage au Maroc avec sa femme et M.Jacqueton:

"De Tamesloht,nous avions dépêché le caïd Ahmed auprès de l'agent consulaire français, Si Omar ben Medjad, que l'aimable M.Marchand (agent consulaire à Larache) avait avisé de notre venue. Un autre client de notre pays, Si Abd el Aziz ben Barrada, avait été prévenu en même temps. Tous deux se sont empressés, dare-dare ils ont fait préparer une des maisons....

Marrakech 11 Septembre. Nous repartons demain après avoir passé ici cinq jours pleins. Je ne les regrette pas pour ma part. Si Omar ben Medjad et Si Barrada se sont ingéniés pour nous rendre ce séjour le plus agréable possible.
Le premier , Marrakchi de vieille roche, représente le pur élément autochtone; c'est un homme des champs, propriétaire d'un domaine dans la banlieue et agriculteur pratiquant, toujours en mal de plantations et d'améliorations; sa tenue est d'un gentleman farmer plutôt que d'un citadin. C'est en même temps un homme d'église ou plutôt de zaouïa, fort estimé dans ce qu'on pourrait appeler le monde clérical."

Après la réception offerte par Si Barrada, Jacqueton continue le récit: "Le lendemain,ce fut le tour de Si Omar. Il nous mena voir sa ferme du Guéliz, à quelques kilomètres au N.-O. de Marrakech. On sort de la ville par Bab Doukkala. La route traverse d'abord une zone de jardins clos de murs; les palmiers sont chargés de régimes déjà jaunissant; la récolte sera précoce et ne laissera rien à désirer......
Pour cultiver ses terres, Si Omar a des colons à part de fruits, des khammès ou métayers au cinquième; ceux qu'il emploie sont des draoua (originaires de la région de l'oued Draa), gens experts en jardinage et en arboriculture; leur teint foncé, ainsi qu'il sied à des haratins ou berbères noirs, probablement croisés de nègre. Certains propriétaires entretiennent des esclaves, avec lesquels ils exploitent en régie.
Si Omar a pour ainsi dire créé son domaine. À l'exception des palmiers, presque tous les arbres fruitiers ont été plantés par lui. Ce sont surtout des oliviers et des grenadiers; il y a aussi beaucoup d'abricotiers et de figuiers.........". 

M. Charles FIRBACH était marchand à Marrakech où il faisait des affaires avec son Censal ( associé) marocain. Il avait créé une liaison postale en 1906 entre Demnat et Marrakech.

M. Louis GENTIL, archéologue et géologue était à l'époque Directeur de la Mission scientifique française au Maroc. Il habitait depuis peu Marrakech venant du nord du Maroc avec sa famille à la demande d’ Eugène Regnault, ambassadeur de France à Tanger. Il n'avait pas trouvé de maison ailleurs que dans le Mellah. Professeur adjoint à la Sorbonne, il a écrit de nombreux livres sur le Maroc, une notice spéciale recensant ses livres, articles et cartes géologiques a été publiée en 1922. L’un de ses premiers livres intitulé : Dans le bled Siba. Explorations au Maroc. Paris 1906 rend compte de la difficulté de ses missions. C’est son nom qui a été donné à la ville de Youssoufia à cause de sa découverte des phosphates dans cette région. Mme GENTIL et leur fille Suzanne l'accompagnaient.

M. LASSALAS, Directeur à Marrakech de LA COMPAGNIE MAROCAINE, une société Franco-marocaine.

M. Paul BOUVIER était en voyage d'études, il habitait à 200 mètres du dispensaire du Dr Émile Mauchamp. Il fut ensuite le premier industriel de Casablanca, le premier importateur d'une machine à moudre le blé et le fondateur avec son associé Alexandre, du vaste établissement de la Société Marocaine Métallurgique.

M. Nissim FALCON dirigeait l'école de l'Alliance israélite où il enseignait en français les mahématiques, l'histoire, la géographie,... et les cours comprenaient aussi l'arabe et l'hébreu. L’anglais, l’allemand et l’espagnol étaient aussi enseignés comme langues secondaires. M. FALCON est sur cette photo avec Moïse BOUJO, un des instituteurs de l’Alliance israélite. Madame FALCON était directrice de l’école de filles et Mlle GARZON, l’une des institutrices. La fillette devant madame FALCON est probablement sa propre fille France FALCON. À cette époque l’école accueillait 255 garçons et 135 filles.

Cette page a été réalisée grâce à la grande érudition d'un ancien du lycée Victor Hugo de Marrakech qui dispose d'une bibliothèque personnelle sur l'histoire du Maroc. Je le remercie pour ses apports auxquels j'ai joint le résultat de mes propres recherches pour les lecteurs du blog.

Michel de Mondenard

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