UNE ÉTOILE DE DAVID SUR LE DRAPEAU MAROCAIN AVANT LE 17 NOVEMBRE 1915
Sur cette photo prise vers 1907, et parue dans Tel Quel N°348, on voit le drapeau marocain, ancienne version. L'étoile à 6 branches de David (Daoud) passera à cinq branches, cinq comme les cinq piliers de l'Islam.
UN CONTE SUR LES FÊTES DE SOUCCOTH PAR UNE FILLETTE DU MELLAH DE MARRAKECH
Si les fêtes de Pâques et de Pentecôte ont leurs correspondance incontestable dans le judaïsme et le christianisme, celle de Souccoth (les tentes) est reprise de manière partielle et très variées par les chrétiens selon les pays et les confessions principalement par des actions de grâce à la période des récoltes, donc à des dates différentes. Les tentes de Souccoth rappellent les quarante années du peuple hébreu vivant au désert sous tentes avant l'entrée dans la terre promise. L'islam n'a pas de fête équivalente, bien qu'il connaisse aussi l'épisode de la traversée de la Mer Rouge par les hébreux alors qu'ils étaient poursuivis par les chars de Pharaon au début des quarante années.
Les Portes du Ciel
par Thérèse Zrihen - Dvir
Souccoth (La fête des Tabernacles) approchait. Nous nous réjouissions tous de la perspective d'aider nos parents à construire de petites cabanes faites de roseaux et de feuilles de palmes géantes sous le dôme céleste.
Notre meilleur passe-temps était la préparation des guirlandes, découpées dans du papier crépon, dans lesquelles mes oncles inséraient de petites ampoules multicolores, scintillant de mille feux. Ma grand-mère meublait la Soukka d'une grande table, de chaises et d'un divan pour celui, ou celle, qui s'aventurerait à passer la nuit sous ce toit précaire. Généralement, cela déclenchait de petites querelles entre mes tantes et oncles quand, avant la tombée de la nuit, tous se chamaillaient pour y dormir.
"Mais pourquoi," dis-je à Mémé. "Qui y a-t-il de si particulier à dormir sous les cieux?"
"Assieds-toi donc et laisse-moi te raconter pourquoi nous aimons tous dormir en plein air à Souccoth," me dit-elle avec un sourire taquin.
Je pris une chaise et m'assis en face d'elle, attendant avec impatience son récit.
"Sais-tu," me dit-elle, "qu'avant la fête de Souccoth, nous passons nos nuits à prier et à demander pardon pour nos fautes de l'an passé? Il est dit qu'au dernier jour de Souccoth, le Bon D.ieu écrit sur son livre de vie un rapport sur chacun de nous. Et ainsi, nous sommes soit punis, soit récompensés pour nos actes. Si tu as péché ou as directement ou indirectement fait du mal à qui que ce soit sans que tu ne fasses l'effort de réparer le dommage occasionné, tu seras punie. Mais si au contraire tu as passé toute l'année à faire de bonnes actions et à suivre les commandements de notre Seigneur, tu seras récompensée."
"Ce n'est vraiment pas le moment de lui bourrer la tête avec de pareilles choses," reprocha mon grand-père du coin de la cabane. "Elle est trop jeune pour comprendre leur complexité, et lui faire peur avec de telles histoires n'est pas recommandable!"
Avait-il remarqué la pâleur instantanée qui s’était emparée des traits de mon visage dès l’abord du sujet épineux des péchés ? me dis-je.
Je comptais dans mon casier personnel, à six ans à peine, quelques péchés, comme des mensonges et des petits larcins que j’évitais de révéler par peur de me faire réprimander. J'avais commis au moins un ou deux vilains tours aux enfants des voisins, lors de nos jeux de médecin et malades. Je n’étais pas particulièrement fière des résultats de ma toute dernière farce.
J'avais aligné filles et garçons pour leur mettre des gouttes dans les yeux. Le flacon dont je fis usage avait contenu au préalable des gouttes pour les yeux, mais une fois vide, ma grand-mère l’avait jeté dans le panier à ordures. Je le pris et le remplis d'eau froide et de rognures de savon. Je me mis à le secouer afin que les fines parcelles de savon fondent dans l'eau. Une fois le mélange prêt, j'instillai une ou deux gouttes dans les yeux des malheureux enfants. Évidemment, mon traitement leur enflamma les yeux. Ils se sauvèrent, la vue brouillée, les yeux rougis et larmoyants. Je n'ai jamais compris pourquoi ils ne s'étaient pas plaints à leurs parents. Était-ce parce que j'étais la petite fille du grand rabbin, que tout le monde craignait et respectait? L'affaire fut rapidement épongée. Quant à moi, j’avais réalisé l'ampleur du mal que j'avais causé à ces enfants et m’étais promise de ne plus recommencer.
"Mais non, vas-y Mémé, continue," dis-je à ma grand-mère en avalant ma salive.
"Es-tu certaine de vouloir écouter le reste?" me demande-t-elle.
"Oui, je dois savoir si moi aussi j'ai besoin de demander pardon pour mes péchés," lui répondis-je le front plissé.
"Enfin, la nuit qui précède Simha Torah (Fête du don de la Bible) nous ne dormons pas, car c'est au cours de cette nuit particulière que le Bon D.ieu ouvre les portes du ciel."
"Que veux-tu dire Mémé? Il a des portes le ciel? À quoi ressemblent-elles?" lui demandai-je, complètement interloquée.
"Mais bien sûr que le ciel a des portes," répliqua ma grand-mère d'un ton sérieux. "Quand elles s'ouvrent, tu as seulement quelques secondes pour exprimer les vœux qui te seront accordés pour le restant de ta vie."
"Les as-tu vues toi, les portes du ciel, Mémé?" murmurai-je, déconcertée et curieuse. "Et qu'as-tu demandé?"
"Je n'ai jamais eu l'occasion d'être réveillée quand cet événement tint place," répondit ma grand-mère, dépitée. "Cependant, tous ceux qui ont eu l'opportunité d'exprimer leurs souhaits, les ont vus se concrétiser sur-le-champ. Quelques uns ont demandé de l'or et des diamants, d'autres santé et prospérité."
"Qu'aurais-tu aimé avoir Mémé si, par chance, les portes du ciel s'ouvraient pour toi?"
"Je demanderais la guérison de ton grand-père," balbutie-t-elle presque imperceptiblement.
"Tu sais Mémé, je vais rester éveillée cette nuit et les nuits suivantes jusqu'à la fin de Souccoth et j'attendrai que les portes du ciel s'ouvrent pour faire le même souhait que toi," répondis-je. "Aide-moi je te prie à étendre mon matelas sous les étoiles. Je te promets de ne pas fermer l'œil la nuit entière et de ne pas rater cet événement."
Je partis vers ma chambre, suivie de Mémé et, à deux, nous avions charrié mon petit matelas jusqu'au patio, tout près de la cabane de Souccoth et l'y étendîmes. Je me saisis aussi de mon oreiller et d'une petite couverture et m'assis sur mon lit improvisé.
Dans la cabane, mes oncles et tantes continuèrent de jouer aux cartes en buvant du thé chaud à la menthe, et grignotant des biscuits. Pépé et Mémé se retirèrent pour la nuit, tandis que moi, je luttais pour conserver les yeux ouverts, fixant le ciel où, par moment, une étoile filante m'arrachait un cri de joie vite étouffé. Puis, plus rien, aucune porte ne s'ouvrit ni ne se ferma. Je vis mes oncles et tantes quitter la cabane pour aller se coucher. Quand j'ouvris les yeux, le soleil était déjà haut dans le ciel.
Mémé m'apporta un verre de thé chaud et parfumé et une tranche de son gâteau que j'avalai d'un trait.
"Je suis désolée Mémé si je t'ai déçue," lui dis-je envahie de remords. "Je ne me rappelle pas quand le sommeil a eu raison de moi. C'est tout simplement arrivé."
"Ma douce enfant," me répondit-elle. "Ne t'inquiète de rien. Cela nous arrive à tous, et c'est pour cette raison qu'aucun de nous n'a jamais réussi à voir les portes du ciel s'ouvrir."

L'hebdomadaire TEL QUEL en parle: La rencontre avait une tonalité très officielle : parmi les intervenants, à côté de quelques universitaires et de représentants de la diaspora juive marocaine, étaient présents des politiques (conseillers royaux, anciens ministres, ambassadeurs) ainsi que des responsables ou membres d’institutions royales. Nul ne fut donc surpris d’entendre répéter de fort belles choses sur la tolérance, l’ouverture et l’identité plurielle du Maroc... Plutôt qu’un colloque scientifique, ce fut un moment d’échange, de convivialité, au cours duquel chaque orateur a tenu à dire comment il se reconnaissait dans l’autre et en quoi cet autre faisait partie intégrante de lui-même. Driss Khrouz, directeur de la Bibliothèque nationale, n’hésita pas à affirmer : “Parce que je suis marocain, je suis arabe, berbère, musulman, juif...”. Dans un ordre quelque peu différent, André Azoulay, conseiller du roi, fit sienne cette identité composite qu’il revendique du reste depuis quelques années. Ahmed Abbadi, secrétaire général du Conseil des oulémas du Maroc, a quant à lui conclu son intervention sur une image plus poétique : “La judéité marocaine circule dans notre identité comme l’eau dans les pétales de rose”. Albert Sasson, membre du CCDH et de l’Académie Hassan II des sciences et techniques, enfin, souligna la nécessité pour le Maroc, à l’instar de ce qui se passe dans tous les pays du monde, de se poser la question de l’identité nationale : “Qui sommes nous ? Que veut dire être marocain ?”. En “off”, l’un des participants est allé jusqu’à nous confier : “Il est temps que le Marocain accepte la part juive qui est en lui, c’est-à-dire qu’il reconnaisse les valeurs et l’histoire que musulmans et juifs du Maroc ont en commun. Et n’oublions pas que les Benchekroun, Kouhen et autres Guessous, musulmans aujourd’hui, sont nos juifs d’hier...”
Autant de propos audacieux sur la “marocanité” qui donnent matière à réflexion. Y compris dans le sens optique de ce terme. Entre juifs et musulmans au Maroc, ne s’agit-il pas d’une double relation en miroir où chacun doit accepter d’être à la fois pleinement soi-même et une partie de l’autre ? Le Maroc est sans aucun doute le seul pays arabo-musulman où ce type de réflexion est possible. Félicitons-nous donc qu’une telle manifestation ait eu lieu."
A noter que l'insigne du 6è RTM était une étoile à six branches...( puis à cinq )
Choukran d' avance...
ChM