Joseph DADIA, Président-fondateur de l'Association des Juifs de Marrakech, nous fait l'amitié de partager avec nous ses recherches historiques sur les débuts de l'ÉCOLE de l'A.I.U. à Marrakech. Cette étude intéressera non seulement les membres de la communauté juive désireux de retrouver leurs racines, mais également les autres communautés de Marrakech soucieuses de mieux comprendre l'originalité, les apports et les difficultés d'une communauté qu'ils cotoyaient quotidiennement mais qui différait de la leur et avec qui des amitiés se sont liées. L'histoire de l'École de l'Alliance rejoint souvent dans ces pages la Grande Histoire du Maroc.

L’école de l’Alliance de Marrakech

Historique © 

(les notes en bleu-vert sont regroupées avec les illustrations)

En cette année du cent cinquantième anniversaire de l’Alliance israélite universelle, il me paraît naturel, avant d’aborder ma scolarité à l’école Yéshoua Corcos, de faire un bref historique de l’école de l’Alliance de Marrakech. Ce n’est pas simple, ayant peu de documentation à ma disposition. C’est un sujet intéressant auquel je pense depuis longtemps. En tant qu’ancien élève de l’Alliance, cela sera ma modeste contribution à la mémoire de celles et de ceux, qui ont fait de nous ce que nous sommes dans la vie et dans la cité.

 Les premiers pas des bâtisseurs, 1900-1925

Grâce à l’autorité du président Yéshoua Corcos qui a su calmer les inquiétudes de ses coreligionnaires et l’opposition des rabbins, qui voyaient d’un mauvais œil cette yéshiba d’un nouveau genre, où l’on va enseigner un langage de chrétien, la première école de l’Alliance au mellah de Marrakech ouvrit ses portes en décembre 1900. Sa volonté formelle avait été indispensable pour imposer cet établissement, car les rumeurs les plus fantastiques circulaient au mellah. Et dire que le bon président Yéshoua Corcos a été traité de misonéiste !

Pour Aïemy Hazan, l’école s’installa rue du Commerce,[1] connue par les cartophiles sous le nom de « Rue des balcons ». Pour Monsieur Alfred Goldenberg, c’est dans une rue parallèle à cette dernière que la première école ouvrit ses portes : rue des Ecoles, derb scouella. De commune renommée, il a bel et bien existé, dans cette rue, une école. Son premier directeur fut M. Moïse Lévy, rejoint par la suite  par Mlle Messody Coriat pour l’école des filles. Ils sont en charge de trois classes. Il y a là cent seize garçons et soixante et une filles.[2] Cependant, le directeur et la directrice de l’école indiquent, dans un rapport officiel, les chiffres suivants : A- cent cinquante garçons répartis en trois éléments : 1- une vingtaine de garçons de 15 à 18 ans, fils de commerçants, qui quittèrent l’école au bout de trois mois ; 2- 60 enfants environ de 10 à 12 ans, fils de familles aisées ; 3- le restant de l’effectif  vient de la partie la plus miséreuse de la communauté. Grâce à la soupe chaude de midi et à la promesse d’un vêtement, ces élèves restèrent à l’école.


[1] Aïemy Hazan in Le souffle vespéral (Joseph Dadia et al.), édité en 1993 par l’Association des juifs de Marrakech, p.49-50. Le problème est que M. Alfred Goldenberg, marrakchi d’adoption marié à une marrakchie, place le Fondouk Lousti rue des Ecoles, alors qu’il se trouve « Rue des balcons », rue « des riches », comme l’écrira un directeur. Comment trancher la question ?  De plus, nous ne savons pas dans quelle maison de l’une ou l’autre rue se trouvait la première école.

[2] Elias Harrus : L’Alliance en action, Nadir, 2001, p. 80-82.

RueDesBalcons02

Cliché du photographe Maillet montrant la rue des Balcons.

B- soixante-seize écolières, filles des plus riches, presque toutes payantes. Les pauvres n’ont pas les moyens de l’instruction ; mais la promesse d’habiller les enfants les plus indigents vaudra sans doute quelques recrues.[1]

En 1902, recrudescence de la misère au mellah ; à la même époque, une épidémie de variole éclata. En vaccinant de force un grand nombre d’enfants, M. Lévy les sauva d’une mort certaine. Par lettre du 15 février 1904, Moïse Lévy alerta le Président du Comité Central de l’Alliance sur la situation des juifs de Marrakech, suite à une crise monétaire. La famine pour le mellah et la médina. Une escouade de soldats campait aux portes du mellah. Le 20 janvier de la même année, la population arabe, armée de bâtons, se dirigea vers le quartier juif aux cris de « Naklou el mellah », « Nous mangerons les juifs du mellah ». La garde aux portes du mellah, prise au dépourvu, a eu à peine le temps d’en fermer les portes. A l’école, plusieurs mamans réclamèrent leurs enfants. M. Souessia ne perdit pas son sang froid, encouragea le personnel et calma les élèves. Le directeur Moïse Lévy se trouvait au moment de ces évènements au petit village El Yéhoudia à 4 heures de Marrakech.[2]

Paul Lemoine, de passage à Marrakech en automne 1904, visita l’école de l’Alliance. On y apprend à parler, à lire et à écrire le français, avec des rudiments de calcul. Quelques rabbins, rémunérés par l’Alliance, donnent l’instruction religieuse et hébraïque aux jeunes enfants. M. et Mme Lévy partirent diriger les écoles de Tétouan. M. Souessia est l’unique instituteur. Si dévoué qu’il soit, il ne peut suffire à sa tâche. Il a 250 élèves, répartis en cinq classes, présents de huit heures du matin à cinq heures du soir. Il doit leur donner, non seulement l’enseignement, mais encore la nourriture de midi, œuvre créée par la baronne Hirsch. Un directeur, accompagné de sa jeune femme, une parisienne, qui va ouvrir une école de filles, vient cependant d’arriver ; sa présence était bien nécessaire.  Il s’agit de M. Nissim Falcon, de Smyrne, et de son épouse. M. Souessia, originaire de Mogador, devient son adjoint.[3]

Le géologue Louis Gentil a connu M. Falcon sur le bateau entre Tanger et Mogador, alors qu’il se rendait avec sa famille à Marrakech, pour y prendre ses fonctions. Il avoue avoir éprouvé chaque fois un vrai plaisir dans ses visites aux écoles du mellah de Marrakech, et il remercie M. Falcon et son adjoint, M. Souessia, de l’en avoir si obligeamment facilité l’accès.


[1] Cf. Bulletin de l’Alliance israélite 1901 - Chap. Les Israélites au Maroc, cité par José Bénech dans son livre Essai d’explication d’un mellah, p. 290- 292. Les chiffres indiqués dans ce rapport sont pratiquement repris par le Comte Maurice de Périgny dans son livre Au Maroc - Marrakech et les Ports du Sud, Paris, 1918, p. 151-152.

[2] Cf. Pierre Flamand : Diaspora en terre d’Islam, Vol. I, p. 364-367, la lettre du 15 février 1904 : 4 pages.

[3] Paul Lemoine : Mission dans le Maroc Occidental (Automne 1904) - Rapport  au Comité du Maroc, Paris, 1905, p. 62-63. M. Hazan,   un homme de marque est chef de la poste française à Marrakech : Ibid. p. 30 et  p. 68-71 ; à la page 70, une illustration du bureau de la Poste française au mellah de Marrakech. Je reconnais sur cette photo la rue qui s’appellera plus tard derb Tabac. Sur la Poste en général à cette époque, cf. Augustin Bernard : Une mission au Maroc, Publication du Comité du Maroc, Paris, 1904, p.57-63. Cet auteur parle des écoles de l’Alliance au Maroc (p. 76-83) : Tanger, Larache, Rabat, Mogador, Fès, Safi, Mazagan, Ksar-el-Kebir, Arzila, mais point de l’école de Marrakech.  Avec un accent quelque peu prophétique, il écrit : « On peut s’en remettre à l’Alliance israélite du soin de fonder en temps et lieu des écoles pour les Juifs du Maroc partout où cela sera possible et utile, On ne fera pas mieux qu’elle à cet  égard, et il est inutile de chercher à reprendre les écoles qu’elle a abandonnées momentanément parce qu’elle a vu l’échec certain ».

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Cliché pris en mars 1907 - Les hommes ne portant pas de chapeau sont de gauche à droite Louis Gentil, Nissim Falcon et Mose Boujo qui avait remplacé Souessia. Les femmes de gauche à droite sont: Mme Gentil, Mme Falcon et Mlle Garzon. Les fillettes de gauche à droite Suzanne Gentil, France Falcon. Au milieu l'agent consulaire pour la France Si Omar Belmejjad. Portant le chapeau de gauche à droire MM. Firbach, Paul Bouvier, Lassalas.

C’était le 11 janvier 1905. Un nouvel adjoint a été donné à M. Falcon et une maîtresse de couture viendra en aide à la directrice de l’école des filles. Louis Gentil a constaté qu’on voit moins chez les filles ce désir de s’instruire ; mais par contre, elles sont avides d’être initiées à la couture et à tous les travaux spéciaux à la femme. Ce qui l’a le plus frappé, c’est de voir aux cours d’adultes des hommes de trente, quarante ans et plus, qui après une journée de labeur fatigant, venaient, ne sachant pas un seul mot de français, apprendre à lire, à écrire et à parler en français. Au bout de quelques mois de ce travail du soir, ils parvenaient à écrire une lettre d’une clarté et d’une précision déjà suffisantes.[1]

José Bénech indique dans son livre des renseignements que M. Falcon lui a communiqués : « Il était fort difficile, en cette période de transition, d’exiger une fréquentation régulière. En 1904, le nombre des élèves très élastique variait entre 250 et 350 pour les garçons, 150 à 175 pour les filles. Ces dernières se montraient plus assidues, plus constantes dans leurs efforts, car elles n’avaient point à subir l’attrait de la rue. Elles délaissaient volontiers la maison pour l’école où l’on n’exigeait point d’elles les travaux pénibles du ménage. »[2]

José Bénech nous livre ce témoignage poignant : « En 1906, au cours d’une famine restée légendaire, tandis que musulmans et juifs tombaient d’inanition dans les rues de la ville, l’Alliance prenait à sa charge la nourriture de tous les enfants du mellah. En ces temps héroïques, son délégué, en liaison étroite avec les notables, prend fréquemment part à leurs délibérations et les aide de ses conseils. »[3]

En octobre 1907 à Marrakech, Christian Houel constate qu’à part « quelques commerçants aisés, la population juive était affreusement misérable. Quinze mille Juifs s’entassaient dans des habitations sordides. Hommes, femmes, enfants, couchaient côte à côte sur de mauvais grabats. Des monticules d’ordures ménagères obstruaient les ruelles étroites. Ils empestaient  sous la chaleur du soleil, s’écoulaient sous les pluies en immondes cloaques. Contre cette lamentable existence de leurs coreligionnaires, c’est en vain que les plus dignes et les plus éclairés tentaient de réagir. Les édits chérifiens les enfermaient dans un réseau de telles interdictions que tout redressement était rendu impossible. »[4]

Après quelques jours passés au domicile de M. Firbach dans la médina, M. Jacob Hazan, receveur de la poste française, le reçoit avec amitié et la plus généreuse hospitalité dans sa maison au mellah. Son neveu, Abraham Corcos, un jeune homme de 18 ans, l’un des plus brillants parmi les anciens élèves  de l’école, est un agréable compagnon. Un matin, il conduit M. Houel à l’école de l’Alliance où professe M. Falcon ; il avait enseigné à Tanger, Tétouan, Mogador et Casablanca, avant d’arriver à Marrakech.


[1] Louis Gentil : Explorations au Maroc (Mission de Segonzac), Masson et Cie Editeur, Paris, 1906, p. 170-174. A la page 171, Louis Gentil écrit : « J’ai eu l’occasion d’habiter le Mellah de Marrakech à trois reprises différentes … Je me suis alors  trouvé en contact avec la population juive. J’ai vu très fréquemment les élèves des écoles, je les ai interrogés à maintes reprises, j’ai causé avec eux bien souvent, puis j’ai été reçu par des notables de la Communauté, en particulier par son président, M. Corcos. » Dans l’Avant-propos, p. IX, il écrivait déjà : « Je garde le meilleur souvenir de la collaboration des professeurs de l’Ecole de l’Alliance israélite universelle  à Marrakech, de M  et Mme Falcon et de M. Souessia, ainsi que de nombreux membres de la Communauté israélite de la capitale marocaine, présidée par M. Corcos. »

[2] José Bénech, op. cit,, p. 293. Le Comte Maurice de Périgny, op. cit. , p.152, indique, pour l’année 1905, le nombre de 350 élèves dont 24 seulement payants.

[3] José Bénech, op. cit. , p. 299.

[4] Christian Houel : Mes aventures marocaines, Editions « Maroc-Demain, Casablanca, 1954, p. 52-53.

Ferblantiers 

Place des ferblantiers et porte des ferblantiers.

L’école comptait alors 300 garçons répartis en plusieurs classes, et l’école des filles comptait près de 200 fillettes. M. Houel raconte : « Je sens, à la poignée de mains de M. Falcon, le plaisir qu’il a d’accueillir un compatriote. A mon entrée, les jeunes élèves se sont levés. Ce geste me rappelle le temps où, assis comme eux sur des bancs d’école, mes camarades et moi nous nous levions à l’entrée d’un étranger dans la classe. - Vous allez assister à ma leçon, me dit M. Falcon. Un petit garçon se lève et, sans se troubler de notre silencieuse attention, récite une fable de La Fontaine : « Le Loup et l’Agneau ». Je suis soudain saisi d’une émotion que rien ne peut exprimer. Ces phrases  si simples dites par ce jeune enfant dans cette cité d’où suinte de toutes ses murailles la haine de ce qui est français, ont, au fond de moi, une telle résonance, que je sens mes yeux s’embuer de larmes. J’écoute ces mots familiers dits par ces jeunes lèvres. Il me semble que leurs sons aimés se prolongent jusqu’au cœur de la ville rouge pour y répandre leur douceur, leur harmonie, leurs promesses. Aujourd’hui, cet épisode n’a plus que la valeur d’un vieux souvenir. Des  milliers d’autres enfants récitent les fables de La Fontaine. Dans les demeures les plus pauvres, comme les plus riches, s’épanouit la langue française. Mais en ces temps, dans cette ville, il fallait que maîtres et enfants eussent du courage. Je ne sais si le Protectorat s’est souvenu de ces précurseurs quand il n’a plus eu besoin d’eux. Le certain, c’est qu’après le meurtre du docteur  Mauchamp, le Gouvernement décora de la Légion d’honneur l’explorateur Louis Gentil et M. Falcon… des palmes académiques ! »[1]

En dépit du bouillonnement populaire, suite à l’assassinat du docteur Emile Mauchamp à Marrakech le 19 mars 1907, les maîtres restent à leur poste malgré les dangers auxquels, en ces temps troubles, un Français peut se trouver exposé, M. Falcon est français par naturalisation, sa femme par la naissance, et une hostilité incoercible aux chrétiens qui menacent l’islam. Mais les évènements vont s’accélérer, et Casablanca va être occupée par les troupes françaises en représailles de l’assassinat le 30 juillet 1907 de 9 ouvriers européens dont 6 français, massacrés par le peuple de la ville  et les tribus voisines. Un navire de guerre est envoyé à Casablanca suivi de deux autres croiseurs et le « quartier arabe » est bombardé le 5 août suivant. Sur le plan politique interne, c’est la confusion totale au Maroc : le sultan Moulay Abd-el-Aziz (1894-1908) est à Fès, son règne est contesté ; son frère Moulay Hafid est son khalifat à Marrakech, il entend le détrôner ; des agitateurs insurrectionnels se dressent contre le pouvoir en place, appuyés par de nombreuses tribus : le rogui Bou Hamara au Nord-Est, le théologien bandit Ahmed el- Raissouni terrorise Tanger et Tétouan, et le marabout Ma el-Aïnin en Mauritanie. Les écoles de l’Alliance ferment provisoirement. M. Falcon quitte Marrakech et s’en va ouvrir une école à Safi pour ne pas rester inactif.


[1] Christian Houel, op. cit., p. 53-54.

Moulay El Hafid Pacha de Marrakech en 1906 

Photo Maillet, Moulay Al Hafid en 1906, alors qu'il est Pacha de Marrakech et se prépare secrètement à supplanter son demi-frère le Sultan Abd Al Aziz.

Le 16 août, Moulay Hafid est proclamé sultan à Marrakech. La beï’a  lui est accordée le 4 janvier 1908.  En août 1909, il devient sultan du Maroc, reconnu à Fès. « Si Madani el Glaoui, écrit José Bénech, seigneur de Telouet, devient premier Ministre [Grand Vizir de Sa Majesté Chérifienne]. Au cours d’un séjour de ce dernier à Marrakech (Janvier 1908), l’Alliance, à l’instigation de M. Falcon, lui dépêche un émissaire. Si Madani accueille favorablement la demande de l’Alliance et envoie à Safi une escorte chargée de ramener à Marrakech M. Falcon, qui y parvient après un voyage mouvementé. Toutefois ce fut seulement après plusieurs entrevues que le Glaoui consentit à l’ouverture des écoles en les prenant sous sa protection efficace. »[1]

Monsieur Moïse Lévy a quitté Marrakech en 1904, après les désordres au mellah (une cinquantaine de blessés) engendrés par une crise monétaire; il en est de même de Monsieur Nessim Falcon en 1908, suite à l’agitation arabe, spécialement dans la tribu des Rehamna qui terrorisent le mellah (mai et août 1907) et les évènements politiques de 1908.

M. Falcon est nommé directeur de l’école de Safi. Il est remplacé en 1909 à Marrakech par M. Raphaël Danon qui vient de Larache. « M. Danon, écrit Alfred Goldenberg, est d’origine roumaine. Il est marié avec une demoiselle Rosenbaum… Beaucoup d’enfants refusent de venir à l’école ; M. Danon emploie des moyens énergiques : le gardien de l’école, un « moghazni », va les chercher, portant un sac vide de toile de jute. Quand il réussit à trouver un écolier récalcitrant, soit dans la rue, soit à son domicile, il le fourre dans le sac, met le sac sur son dos et l’apporte à l’école. »[2]

De son côté, M. Danon écrit : « Quant aux fillettes, les parents ne les envoient à l’école que peu de temps. Aussitôt qu’elles peuvent apporter une aide à la famille, on les retire de l’école et elles s’emploient comme bonnes, ou deviennent apprenties brodeuses de babouches à 10 centimes par jour. Tous nos efforts : lettres lues dans les synagogues, gratuité de l’instruction, nourriture, vêtements, pour les ramener à l’école ont donné peu de résultats… Il faudrait instituer un atelier de couture. »

En 1911, aux côtés de M. Danon, il y avait M. Benoudiz son adjoint, 3 professeurs d’hébreu, 2 professeurs d’arabe, 2 moniteurs, 2 domestiques. Le nombre des élèves est 289, 71 payants et 218 gratuits, sur une population de 17 500 âmes. [3]

[1] José Bénech, op. cit. , p. 295-296. Alfred Goldenberg in Trait d’Union - Bulletin d’informations et de liaison du Judaïsme de Marrakech, mai 1989, intitulé Les draps blancs, p 45, cite deux lettres adressées par M. Falcon à Paris : l’une est datée du 27 novembre 1908, dans laquelle il déclare être à Marrakech depuis le 23 : « Mon arrivée au Mellah fut saluée avec enthousiasme par nos coreligionnaires qui ont considéré ma présence comme un gage de sécurité durable » ; l’autre lettre est datée du 5 décembre 1908 : « Extraordinairement, Si Madani (Grand Vizir) manda chez lui toutes les autorités de la ville et des environs. Il leur dit ; « Les écoles que l’Alliance a dans toutes les villes du Maroc ont pour but de rendre les jeunes moins ignorants et moins malheureux. Je vous recommande spécialement les maîtres qui viendront accomplir cette tâche et les enfants qui fréquenteront ces écoles ».

[2] Alfred Goldenberg, op. cit., p. 46

[3] Rapport du 17 décembre 1911 de l’assemblée générale de l’Alliance israélite universelle, p. 102

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Première photo émouvante des enfants de l'École de l'A.I.U. année 1910-1911

M. Danon écrira plusieurs lettres au Comité central de l’A.I.U. où il décrit la misère dans toute son horreur de la majorité des juifs du mellah de Marrakech, loqueteux et sales. Il dénonce  en même temps la ladrerie d’Y. Corcos à l’égard des établissements scolaires de l’Alliance qu’il tolère mais ne fera rien pour leur installation. « Des gens tels que Y. Corcos, écrit-il le 19 janvier 1911, millionnaire dit-on,  président de la Communauté et pouvant payer au moins 20 francs pour son fils unique ne paye que la modique somme de 3 frs 60 ». Dans ce même message à l’A.I.U.,  Danon se lamente et vitupère contre l’autoritarisme intransigeant dans la conduite des affaires du mellah : « Ce qui est à déplorer dans notre ville, c’est la mauvaise organisation de la Communauté. Aucun contrôle n’intervient dans son administration et le maître qui est encore M. Josué Corcos fait ce que bon lui semble ».[1]

Voici quelques détails de sa lettre : "Les belles et grandes maisons du mellah, bien bâties, appartiennent à quelques notables. M. Corcos est propriétaire de toutes les maisons formant deux rues assez longues. Les autres juifs habitent dans une chambre louée de 2 à 3 frs par mois. Là s’entasse une famille le plus souvent nombreuse, avec des enfants en bas âge à peine couverts, croquant en pleurant un morceau de pain sec. Dans les rues à chaque pas, on rencontre des tas d’ordures d’où s’en dégagent des odeurs nauséabondes. Des mendiants juifs parcourent le mellah toute la journée. L’école est située dans la rue « des riches », le spectacle de cette misère est souvent offert au regard du directeur. Le vendredi, c’est une procession sans fin. Le samedi matin, des femmes en groupe de vingt à trente vont de maisons en maisons et avec des cris assourdissants réclament le « hobbs dé sebbss », le pain du samedi. La même misère règne à l’école. Par suite du retard mis à l’envoi des fonds pour l’habillement des enfants nécessiteux, il y a dans les petites classes des enfants à peine couverts d’une chemise. Ils sont autorisés à s’absenter un jour par semaine pour la faire laver parce que cette chemise est leur unique pièce d’habillement."[2]

De nouveaux évènements politiques vont troubler la marche de l’école et elle sera fermée encore une fois. Le fils du marabout Ma el-Aïnin, Ahmed el-Hiba, surnommé le sultan bleu, se fait reconnaître sultan à Tiznit. Il entre à Marrakech avec ses guerriers berbères le 18 août 1912 et s’y fait proclamer sultan. Les troupes d’el-Hiba sont dispersées par les soldats français, qui entrent à Marrakech le 7 septembre. Le colonel Mangin et sa colonne sont accueillis sur la place Djemaa el Fna par les élèves de l’école de l’Alliance qui chantent « La Marseillaise », malgré l’absence du Directeur, réfugié à Tanger.[3]


[1] D’autres observateurs ont dit beaucoup de bien d’Y. Corcos, et sa popularité en milieu juif était immense : il a su pratiquer la charité envers les pauvres ; il a  bâti  une grande synagogue et entretenu quatre yéchoiboths. C’est un débat qu’il faudra ouvrir un jour, et étudier en profondeur ce qu’ont été véritablement les relations entre les institutions juives de Marrakech et la population ; ce débat se fera en suivant la méthodologie dans le domaine de la recherche universitaire.

[2] Pierre Flamand, op. cit., p. 229-230 et p. 368-369.

[3] Louis Botte : Au cœur du Maroc, Hachette, 1913, p.199-200 : « Mais quand nous arrivons au mellah, c’est un tout autre spectacle. L’enthousiasme est délirant. Tous les juifs sont là… ils se poussent, se bousculent et s’écrasent contre les chevaux qui ruent. Les bravos crépitent. Du haut des terrasses, les femmes accrochées en grappes vivantes, et comme ivres, miaulent leurs you-you prolongés, assourdissants, énervants. Des centaines de mains s’agitent, claquent, ou font le salut militaire. Des apostrophes se croisent : « Content de te voir, monsieur ! - Monsieur, Vive la France, » Pendant tout le temps du défilé, ces juifs manifestent une joie indescriptible. Ils exagèrent. »

Riche rue juive_Maillet  Rabi_Yechoua_Corcos

Photo Maillet, Riche rue juive au Mellah et portrait de Rabi Eechoua Corcos

En octobre 1912, le général Lyautey entre au mellah. L’école de l’Alliance est toujours fermée. Le président Corcos, accompagné des notables, ouvre l’école pour la circonstance et convoque les élèves. Le directeur n’est pas encore rentré. En son absence, c’est Mardochée Amzallag, le meilleur élève de l’école, qui reçoit les visiteurs et récite un compliment au général.[1]

En 1912, un petit noyau des élèves de l’Alliance fournit un contingent de secrétaires, d’employés, de comptables et d’interprètes. Ils furent les aides précieux de la pénétration française au Maroc.[2]

En 1913, il y avait 309 élèves à l’école, dont 100 payants.[3]

La guerre de 1914 éclate. En 1915, M. Danon est muté à Safi. Le nouveau Directeur de l’école est M. Isaac Soussana, originaire de Mogador. La Directrice est sa belle-sœur, Mme Wanda Soussana. En 1918, l’école ferme pour des raisons financières  et les directeurs quittent Marrakech faute de maîtres suffisants. De plus, il est devenu très difficile de communiquer avec Paris en raison de la guerre.

En 1920, écrit M. Alfred Goldenberg, l’école s’installe pour la première fois à l’extérieur du mellah, près de la place des ferblantiers dans une maison appartenant à M. Meïr Amzallag, négociant. M. Falcon est revenu ; il est veuf, sa fille France Falcon est son adjointe.

En 1922, l’école  retourne au mellah rue Fracisco ou Francisco. C’est le nom d’un commerçant qui habite la rue. Elle s’appelle en réalité derb Attias. Jacob Attias, grand bienfaiteur de ses frères, est décédé le 15 septembre 1933 le jour de Rosh Hashana.  Il entretenait des relations d’affaires et d’amitié avec le pacha de Marrakech. Ma mère, encore petite, a rencontré le pacha grâce à son proche parent, le distingué Jacob Attias. L’école est une formation Franco-Israélite installée  dans la maison  de M. Jacob Benhaïm, rabbin de l’école de 1901. Cette maison est carrée à un étage, dont la galerie surplombe le patio. Elle est conçue selon les mêmes principes que les écoles franco-arabes : enseignement primaire donné par des instituteurs français, l’instruction religieuse étant dispensée par un rabbin. Le protectorat envoie des instituteurs à Marrakech : M. et Mme Dubascoux, M. et Mme Callandry, Mme Deschaseaux, Mlle Aymard qui, mariée, s’appellera Mme Prabis, et enfin Mme Durand. Cette école pouvait recevoir 450 élèves, selon le chiffre donné par José Bénech.[4]

Il m’est impossible, en l’état de mes investigations, d’établir la date exacte de l’installation de l’école de l’Alliance à l’extérieur du mellah. Mais je sais depuis longtemps, par d’anciens élèves, que cette école était bel et bien installée du côté de la place des Ferblantiers.


[1] Alfred Goldenberg, op. cit., p. 47.

[2] José Bénech, op. cit. , p, 294.

[3] Comte Maurice de Périgny, op. cit., p. 152.

[4] Il n’a pas été facile d’établir toutes ces indications en raison des sources consultées. Aïemy Haïm Hazan dit que l’école près de la place des ferblantiers fonctionnait parallèlement à celle de la rue Francisco, où il a été élève, sans autres précisions quant aux dates. Je relève différentes dates, quelque peu contradictoires, dans les écrits de M. Alfred Goldenberg : cf. le texte déjà cité p. 47-48, et son livre Souvenirs d’Alliance, éditions du Nadir de l’A.I. U., 1999, p. 50-51. De son côté, José Bénech, op. cit., p. 296 écrit : « Puis ce fut 1914 et la guerre. Pour des raisons financières, l’Ecole de l’Alliance dut fermer ses portes. En 1919, le Protectorat ouvrait dans une maison du Mellah une école franco-israélite… Cette école franco-israélite disparut en 1925. » Je pense que José Bénech a parfaitement raison quant à la date 1919.

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Photo Limanton - Boutiques dans le Mellah

Je sais aussi que l’école a bien occupé une maison de derb Francisco. Je connais bien cette maison située au début de la rue Francisco, juste en face de derb Bensimhon. La maison qui abrite l’école est sur une pente qui décroît doucement. Ce qui fait que la maison est surélevée par rapport au restant de la rue, donnant l’impression qu’elle est le plus haut bâtiment du mellah. Juste en face de cette maison-école se trouvait, dans les années 1940, le local des Bnei-Akiva que je fréquentais, tant pour les activités que ce mouvement organisait, que pour l’office du vendredi soir et de l‘oneg shabbat de samedi après-midi. A quel moment l’école de la place des Ferblantiers a fixé ses classes à derb Francisco, il y a des dates qui se contredisent. Me référant à un témoignage indirect, l’école de derb Francisco existait déjà en 1919, au plus tard début 1920. Les frères Tharaud dans « Marrakech ou les seigneurs de l’Atlas » consacrent le chapitre VII de leur livre au  « Ghetto marocain ». Ils décrivent leur rencontre, dans sa propre maison, avec « Le patriarche de cet enfer hébraïque (qui) est le bonhomme Ischoua Corcos, l’argentier des Sultans, le millionnaire du Mellah ». En l’occurrence, c’est la suite de leur récit qui nous intéresse : « Par la fenêtre, arrivent d’une école voisine où l’on enseigne le français, des phrases qui entraînent l’esprit dans un rêve dément, et que répètent, comme un verset de la Loi, les enfants du Mellah : « Nos ancêtres les Gaulois » ou bien encore : « Mon père, ce héros au sourire si doux… ». Alors tout danse devant moi, les deux Lions de Juda, l’arbre de Jessé sur le mur, et la fausse pendule peinte et sa clef peinte elle aussi, pendue à un clou imaginaire. Je n’écoute plus le père Corcos. Je n’entends plus ni le piano, ni la machine à coudre, ni les cris du poulet. Je n’ai d’oreilles que pour ces phrases folles, qui résonnent d’une façon tout à fait extravagantes dans ce ghetto saharien. »

La première édition de ce livre date de 1920. L’on peut présumer que la rencontre entre l’écrivain et le président Corcos a eu lieu en 1919.[1] La distance, à vol d’oiseau, de la maison du patriarche à celle de l’école est de 50 mètres environ. Je précise que la maison Corcos est en contrebas par rapport à celle de l’école.

En 1922, trois classes quittent l’école de la rue Francisco et s’installent dans les locaux d’une nouvelle école appelée à s’agrandir en quelques années. Cette nouvelle école est établie sur une parcelle de Jnan el Afia, dans le voisinage de derb el Bhira. Ces classes sont tenues par M. et Mme Dubascoux et par une monitrice, Mlle Rachel Benaïm. En 1924 arrive à Marrakech en tant qu’instituteur, âgé de 18 ans, M. Nessim Lévy, originaire d’Edrine/Andrinople (Turquie). Seuls, le directeur Falcon et lui sont juifs à l’école Francisco. En 1925, les autres enseignants appartenant au cadre métropolitain de l’Education Nationale s’en vont ; c’est toute l’école de la rue Francisco qui est transférée à Jnan el Afia. M. Falcon est le directeur de ce nouveau groupe scolaire, aidé par M. Nissim Lévy et des moniteurs : Mlle Sété Coriat, M. Nessim Sabbah et M. Boujo.[2]Dans la classe du Brevet, il y avait des élèves du même âge que Nessim Lévy, aussi grands de  taille que lui.  En cette même année 1925, une grave épidémie de typhus s’était déclarée au mellah. M. Falcon et les élèves les plus âgés de l’école, faisant preuve d’héroïsme et bravant la contagion, ont jugulé le mal, sur les indications des médecins, en pénétrant dans les maisons pour dépister les cas douteux et épurer les centres d’infection. Leur action courageuse a sauvé le mellah et la ville d’une immense catastrophe.[3] 

(A suivre)

Joseph Dadia

Kervenic-en Pluvigner, 22mars 2011


[1] Jérôme et Jean Tharaud : Marrakech ou les seigneurs de l’Atlas, Plon, Paris, 1920, p. 122-123.

[2] Sur Nessim Lévy, cf. Le souffle vespéral, op.cit., p. 69-76. Nessim Lévy m’a écrit plusieurs lettres ; je ne les ai pas toutes publiées dans le susdit document ; les autres sont dans mes archives.

[3]José Bénech, op. cit., p.299-300; Paix et Droit 1er avril 1926, p. 7.

  © Cet article ne peut être reproduit sans l'accord écrit de l'auteur et sans la mention de l'édition et de sa date de publication: Mangin@Marrakech,  1 novembre 2011.

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Le personnel enseignant de l’école Yéshoua Corcos, année 1948, derb Tajer, mellah de Marrakech.

De gauche à droite : Céline Ohana, M. Suissa, M. Lévy, infirmier, Rabbi Haïm Chochana, Yvette Oiknine, Alfred Goldenberg, directeur, Jacqueline Abitbol, Jacques Lévy, Mlle  Hadida, Simon Sabbah. (Archives Alfred Goldenberg)

Il est heureux que nous ayons une photo de 1907 avec les Falcon et M. Boujo et une autre des élèves de l'année 1910-1911. Il serait mieux encore si des lecteurs pouvaient compléter par d'autres photos et documents sur cette première période de l'AIU à Marrakech 1900-1925. Merci à Joseph Moryoussef pour son commentaire concernant M. Suissa et Mlle Abitbol.

Merci à Joseph Dadia pour cette synthèse fort claire sur les débuts de l'ÉCOLE DE L'ALLIANCE à Marrakech et sur l'état des recherches. Beaucoup d'anciens marrakchis ont appris ce qu'ils ignoraient à travers ces lignes et voudront témoigner leur reconnaissance. Comme toute recherche ce travail encourage ses lecteurs à apporter des documents et des témoignages sur cette période mal connue. Probablement des descendants des enseignants cités dans ces pages ou d'autres personnes auront des éléments pour compléter cette étude. Merci à eux de les partager en les ajoutant à ces pages. Vos commentaires sont les bienvenus.

Nissim Levy, le seul enseignant qui ait fait la transition entre l’école Franco-Israélite de Nissim Falcon et l’école de l ‘Alliance Israélite Universelle de M. Bibasse, a participé en 1988 à un colloque organisé par Joseph Dadia. Nous retiendrons quelques extraits de ses contributions. Pour avoir le texte complet, il faut se reporter à la revue : Le souffle vespéral, ouvrage cité, pages 69-75.

Mes premières années à l’Alliance (École normale israélite de Paris)

« Je suis arrivé d’Andrinople pour les grecs, ou Edirne pour les turcs, à l’École Normale de l’A.I.U. à Paris, à l’âge de 14 ans. Quel dépaysement ! Et quelles découvertes !

Nous avions 2 ans pour passer l Brevet élémentaire et 2 autres, seulement pour lr Brevet Supérieur, on peut dire l’équivalent du Bac. Aussi sur les 40 candidats de 4eme année, 10 seulement réussirent à le décrocher. J’étais du nombre… »

Nissim Levy avait été désigné par le grand Directeur de l’A.I.U. Mr Jacques Bigart pour aller à Fez ; mais le poste intéressait un autre candidat ; un échange fut proposé avec celui de Marrakech et Jacques Bigart accepta cette dérogation.

«  Le dernier jour de classe le professeur d’Histoire, Mr Kahn, m’ayant interrogé, se tourna vers la classe et dit : « Lévy est mûr pour l’enseignement ». Aucun éloge ne pouvait me faire plus de plaisir. Mais j’étais cependant inquiet à la pensée de devoir affronter le monde de l’enfance.

Me voici donc à Marrakech à l’École Franco-Israélite. Seuls, le Directeur  Mr Falcon et moi étions juifs ; les autres enseignants appartenaient au cadre métropolitain de l’Éducation Nationale. Une charmante collègue me dit : « le matin, méfiez vous en mettant vos pantoufles, il peut y avoir un scorpion ! » Je le notai dans mon esprit. Je ne revis plus ces collègues là. Cela dura juste un an. 

L’école fut aménagée au Mellah, pas loin de la porte d’entrée, dans une maison carrée à un étage, dont la galerie surplombait le patio.

Finalement l’École s’installa dans un bâtiment ad-hoc à proximité du cimetière. Le Directeur était M. Bibasse. Mme Bibasse qui avait une machine à écrire donnait des leçons de dactylographie.»

« J’ai quitté Marrakech en juillet 1927, j’avais 21 ans, il me restait beaucoup à apprendre. »

En bicyclette à Marrakech et ailleurs

« L’Alliance Israélite m’a nommé (à Marrakech) en 1924, alors que j’avais 18 ans. Il y avait des élèves presque de mon âge dans la classe du Brevet.

En fermant les yeux, je retrouve tout ce monde que j’ai connu ainsi que la ville elle-même ; Riad Zitoun Djedid et Riad Zitoun Kedim qui aboutissent au Café de paris, où M. Falcon, mon premier directeur, venait s’installer le soir…..  

« Ma bicyclette était une Lydie, du nom de la fille de M. Razon, le propriétaire de ce commerce.

Monsieur le Docteur Madelaine était le Président de l’Association sportive. Il invité les deux plus grands sprinters de France, Achille Souchard et Francis Pélissier à venir disputer une Américaine de 5O kms au Vélodrome Octave Lapize. Mon partenaire était un arabe Bihi, qui tenait une boutique de vélos. Nous déployames toute notre énergie et finîmes classés seconds, après les parisiens, donc premiers des équipes locales, au nombre de 4. »

« J’ai eu des milliers d’élèves, les derniers à Casablanca, à l’école Moïse Nahon, je leur suis profondément attaché. Et j’eusse espéré qu’ils ont conservé de leur maître un certain souvenir dans leur âme. Y en a-t-il à Marrakech qui se souviennent de cette randonnée épique (cela aussi était du sport) que je fis avec ma classe.  Surpris par la nuit, (l’hospitalité marocaine n’est pas un mythe), nous fumes accueillis et bien traités par un notable du village. J’aimerais bien les revoir encore, voir leurs écritures !...

Un dernier mot pour vous dire ce qui m’a paru l’essentiel de mon travail : Instruire et Éduquer bien sûr. Mais, aussi et surtout faire comprendre qu’il faut assumer sa qualité de juif, coûte que coûte, avec courage et dignité. »

© Cet article ne peut être reproduit sans l'accord écrit de Joseph Dadia et sans la mention de l'édition et de sa date de publication: Mangin@Marrakech,  12 novembre 2011.

Cet article parait au moment où le Festival Sépharade commence au Canada (12-27 novembre) et alors que le Pré-Festival du 6 au 11 novembre a eu pour thème "Vitalité du judaïsme marocain d'hier et d'aujourd'hui"  voir:  Festival Sefarad de Montréal