LES "LALLAYAT" DE NOTRE ENFANCE
Anne, Blandine, Jean-Jacques, Michel et d'autres ont voulu faire hommage à chaque lalla de leur jeunesse en raison des liens d'estime et d'affection qui les unissaient.
Dans son "Chkoun Ana", Blandine nous a dit avec beaucoup d'émotions les liens d'amitié qui avaient été tissés avec la famille d'Arquia et de Miloud, de même qu'avec Abdallah à la Targa où elle a vécu ses jeunes années. Elle aime aussi se souvenir de sa complicité avec Halima, qui l'accompagnait dans les dunes ventées de Mazagan au point d'en conserver la photo comme un emblème. Dans les récits d'autres Chkoun Ana nous avons les témoignages d'amitiés entre ces marocaines et les enfants d'européens dont elles s'occupaient. Beaucoup d'anciens marrakchis lors de leur enfance ont grandi avec la fatma qui aidait à la maison. Des liens d'affection et d'amitié se sont formés, bien avant les amitiés de l'école, du lycée ou des clubs sportifs. Ces "Lallayat" méritent que nous gardions le souvenir de leur affection.
Blandine n'a pas de photo de Zaina pourtant elle ne saurait l'oublier. Elle venait chaque jour à la maison de La Targa: "Elle était toute douceur, discrétion et tendresse et se mettait en quatre pour "faire plaisir aux demoiselles" comme elle disait... Elle veillait sur nous quand nous étions malades, nous apportait ce que nous désirions, verres d'eau, livres, disques... elle faisait tant de choses... nous, moi en particulier, je me montrais parfois bien exigeante envers elle,.. tant je désirais sa présence douce, aimante auprès de moi... quand je suis revenue au Maroc, je ne l'ai pas retrouvée, hélas!!
Elle était sage femme dans le village où elle habitait près de chez nous...
Je me souviens des couscous sucrés à la canelle qu'elle nous apportait pour le dimanche, dans un plat de terre, recouvert d'un torchon...cadeau!! Je l'adorais, ma Zaina..."
Jean-Jacques nous envoie des photos de celle qu'il appelait Lalla Fathma ou Fatou. Dès son plus jeune âge elle s'occupait de bébé car la maman de Jean-Jacques enseignait.
Jean-Jaques commente ces clichés: "Quelle leçon d'élégance, de maintien dans la tradition et aussi d'une certaine modernité à la fois. C'était en 1949 : Bien avant le temps actuel des controverses sur cette horrible "burka" ... Ici pas de burka; mais les babouches, un sarouel, tunique et gilet d'étoffes soyeuses et brodées. Mais tant de noblesse et cette douceur qui en émanent, c'est remarquable.
C'était une jeune fille "émancipée ou européanisée" comme on disait alors ... comme Rabia issue du quartier de Bab Doukkala où vivait sa mère. Vétues toutes deux "à l'européenne" et arrivées sur la Base 707 pour y travailler dans des familles françaises. Elles avaient choisi de changer leurs prénoms et Rabia devint Marguerite.
Rabia dans le jardin de la villa. Elle continua à retourner en Médina voir sa mère jusqu'au Départ pour la France en 1965. Les deux amies s'y revirent. Chacune y a fait sa vie. Marguerite y vit toujours... dans un ancien couvent de religieuses devenu Maison de Retraite et a pu sur ses vieux jours retrouver sa langue maternelle, l'arabe, grâce à l' une des infirmières d'origine algérienne. Celle ci, Nadia, l'incite à faire un voyage à Marrakech Mais son état de santé ne l'a pas encore permis...
Michel à la même époque se souvient de la très sympathique Aïcha "Nous avions, mes deux frères et moi, confectionné des chapeaux en papier, probablement un jour de vacances scolaires où il faisait chaud. Aïcha se fit un chapeau à son tour pour se mêler à nos jeux. J'ai même conservé une photo de 1949 devant la villa au Guéliz. Je me souviens aussi qu'elle préparait de délicieux couscous. C'était le menu obligé mais très apprécié du repas du dimanche, elle le préparait dans les règles traditionnelles. Elle m'a appris à transporter des braises chaudes dans mes mains nues depuis la cheminée jusqu'au Kanoun sans me brûler, une dizaine de mètres quand même! Elle me parlait de sa tribu dans l'Atlas. J'aimais sa joie de vivre communicative."
Mais à la suite d'un deuil il a fallu qu'Aïcha reprenne la place laissée vide dans sa famille à notre grand regret.
Dans un style différent, Broucka vint à la maison pour aider, car mon troisième frère est né à Marrakech entre temps. La photo est de 1952. Broucka parlait remarquablement le français. J'ai appris beaucoup sur les coutumes berbères avec elle."
Les familles n'ont pas toujours pu rester au Maroc, certaines ont été contraintes de partir et la mer Méditerrannée a séparé les enfants européens des Lallayat marocaines. Mais parfois la vie et l'affection ont permis des retrouvailles inespérées.
Les parents d'Anne, Simone et Alain Massart, près d'une Kasbah de l'Atlas et ci-dessous Malika et Claire en 1973
Malika, sa fille Mina, Mme J.Massart - Marie-Aude et Malika
"Malika était d'une grande famille berbère. Nous nous sommes adoptés et aimés dès le premier jour... Notre Malika "deuxieme maman" pansait et soignait nos plaies et bosses, attentive, aimante, ...
Musicienne, elle jouait du Tam-tam à la fin des grands repas et aussi Clown...Durant le Ramadan, maman la laissait se reposer à l'ombre des faux-poivriers dans le Kikouyou; grand respect les uns envers les autres.
Malika est décédée au printemps 2003, "CHAGRIN"
Merci à vous toutes, Fatou, Malika, Broucka, Aïcha, Zaina, Halima, Arquia, Rabia-Marguerite, Bacha, Zoubida, Yamina (voir commentaires)... nous vous sommes reconnaissants.
Cet article vient d'être choisi ce 29 mars dans la sélection de canalblog qui le classe parmi les cinq top-blogs
Cette page, dédiée aux "Lallayat" de notre enfance reste ouverte à d'autres témoignages. Chacun peut apporter des récits de souvenirs, photographies ou autres documents pour leur rendre hommage..
Suffisait de râler.
Moi, j'ai pas eu droit à une Lalla: j'étais trop vieux ou bien elles n'étaient plus assez jeunes...
En revanche, nos enfants ont eu Yamina.!
Je me demande bien ce qu'elle est devenue cette gentille Bônoise toute de noir vêtue......
Elle a beaucoup pleuré lorsque nous avons dû la quitter. Elle ne le voulait. Nous non plus...et pourtant...
Nous avons bien pleuré aussi.
Les enfants plus que tout le monde...
ChM.