SOUVENIRS DE L'OUKA
GÉRARD MULLER NOUS FAIT LE PLAISIR DE PARTAGER SES SOUVENIRS D'ALTITUDE DANS L'ATLAS
L'Atlas fascinait les marrakchis, notamment quand il se parait de son grand burnous blanc. A l'occasion des vacances scolaires d'hiver et de printemps la puissance d'attraction de la station de l'Oukaïmeden était colossale.
Marrakech et l'Atlas depuis le bastion du Djebel Guéliz (cliché Maurice Calas, communiqué par S.& R.Perrenoud
Gérard MULLER, dont les parents tenaient le magasin GEDA au n°37 de l'avenue Landais, raconte:
Oukaimeden 1955
Au bas des grands sommets de l’Atlas marocain, la neige n’était pas si rare qu’on pourrait le penser aujourd’hui. Une base militaire avait ouvert la voie sous la forme d’un « bordj », une bien pompeuse appellation pour un refuge bien loin des citadelles militaires. Le bordj fût accessible aux premiers montagnards par des chemins longs, durs et dangereux. Puis le sentier s’élargit pour laisser passer les premiers quatre roues. L’asphalte en était absent. Les avalanches de neige, les chutes de rochers étaient assez fréquentes pour devenir une habitude. Lorsqu’il fallait redescendre à Marrakech, combien de fois Rambaud ou Besson ont demandés aux gamins de prendre leur barda afin de franchir à pied les zones ou la route avait momentanément disparu. J’avais, ces jours-là, coutume de me faire porter pâle. J’avais horreur de ces marches prolongées et c’était, de surcroit, une occasion inespérée de déserter, un jour ou deux, les cours du lycée en attendant dans la montagne que la route fût rouverte.
Cette photo n’est donc pas le témoignage d’une transhumance forcée. Elle est associée dans mon souvenir à un séjour des éclaireurs unionistes dans un chalet de pierre confié à la patrouille des Cigognes dont je ne devais pas être encore le chef (étais-ce Claude Seguin ?).
L’anecdote amusante, c’est que le chalet spartiate n’avait ni chauffage ni éclairage. Nous avions des lampes à acétylène qui en faisaient office. L’une d’elle, mal éteinte, avait consumé le reste de la nuit sans que l’on s’en aperçoive. Au matin nos visages, seules parties non protégées à l’intérieur des sacs de couchage, étaient couverts d’une suie grasse et noire qui nous maquillait durablement en petits ambassadeurs de « Banania ».
J’ai fréquenté depuis les plus beaux chalets des Alpes. Aucun ne pourra jamais rivaliser avec ceux de notre enfance. Rien ne nous était du. Tout se méritait. L’effort, le froid, le manque de confort et la bouffe très moyenne étaient notre lot, garant de moments fabuleux de jeunesse, à la fois simple et riche d’aventure.
Chacun a ses madeleines. Le vent dans les fils électriques me rappelle encore les nuits de tempêtes sous les toits du SJS. Le CAF est définitivement le lieu de mes premières cigarettes. Au bas du C.C.C. je revois le soleil d’un matin frais dans une chevelure bouclée. Le petit télé-fil restera le lieu d’un drame ou mon frère faillit perdre la vie. Au bas du téléski moyen, il fallait faire montre de virtuosité pour arrondir son dernier « christiania » devant les belles Michèle, Gilou ou bien Brigitte.
De la table d’orientation, Marrakech était si belle que nous savions, d’instinct, en être amoureux toute notre vie.
Il y avait un club au-dessus de « Chez Juju ». Quel était son nom ? « Les deux Corbacs » ? « Les Choucas » ? C’est là que j’ai osé, un verre de vin aidant, embrasser une jeune pharmacienne alors que la lumière s’était pudiquement éteinte à minuit un soir de réveillon. C’était si bon que j’avais poursuivi alors que la lumière était revenue. La jeune femme était splendide dans ses trente ans. J’en avais seize ! Son fiancé n’avait pas apprécié. Il était du genre costaud de la race des molosses. Il m’avait pris au col et par le fond de mon pantalon pour me faire traverser la salle en vol plané. Contre le bar ou j’avais terminé mon atterrissage forcé, je me suis retourné. Je claquais des dents mais j’ai brandi mes petits poings. Ça l’a fait rire et le rire désarme. Je m’en suis bien tiré….
Moins bien avec la belle pharmacienne. Dès le lendemain, elle voulait conclure ! Je n’avais pas seulement idée de ce que j’avais à faire et de comment m’y prendre. Je me suis enfui pour ne pas avoir à avouer mon état de jouvenceau ignare. Je le regretterais encore aujourd’hui si je n’aimais pas ce qu’il y a de (romantiquement) inachevé dans ce rêve (subtilement) inassouvi !!!
Crans-Montana - Le samedi 15 février 2014 Gérard Muller
Merci à Gérard pour avoir partagé ses souvenirs de ses quinze ans. Chacun pourra évoquer des épisodes comparables au même âge. Peut être même que certains prendront le temps d'écrire pour partager à leur tour leurs souvenirs marrakchis.
Pour illustrer le récit de Gérard, nous avons retenu une photo du chalet du CCC.
Devant le Djebel Angour(3616m) le chalet à 2740m (cliché Maurice Calas, communiqué par S.&R.Perrenoud)
Sur la route qui conduit à l'Ouka on trouve toujours un panneau publicitaire coloré... plus de lampes acéthylènes mais la Wi-Fi, comme à Crans Montana.
Il est même possible de téléphoner...
Une carte postale, devant chez Juju vers 1955.
Maurice CALAS se souvient aussi de la table d'orientation du TCF
Maurice a spécialement resaisi quelques images d'un film en 8mm où figure André BESSON en été à l'Ouka
André Besson, moniteur d'escalade en été.
André Besson, plus haut que le Toubkal
André et Genevieve Besson nourrissant un chouca.
Geneviève Besson à qui nous devons un Chkoun Ana passionnant, (29 fevrier 2012) conseille au chouca de regarder la caméra de Maurice Calas..
Genevieve en 2014 se promenant dans la forêt Amazonienne se souvient des amis de Marrakech.
Georges GOMEZ ajoute quelques photos des années 50 illustrant ses souvenirs de l'Ouka et y joint ses amitiés aux Marrakch'amis:
La neige semble abondante et pourtant la blessure peut survenir