LA BASE 707 EN 1940 - HISTOIRE D'UN JEUNE ÉLÈVE PILOTE
LA BASE DE MARRAKECH EN 1940
GRÂCE AU CARNET DE VOL D'UN JEUNE ÉLÈVE PILOTE NOUS RECUEILLONS DES RENSEIGNEMENTS SUR LA BASE DE MARRAKECH EN 1940.
Après la déclaration de guerre à l'Allemagne, Marcel MONJEAN s'engage à 19 ans le 3 septembre 1939. Il a déja son brevet de pilote d'avion de tourisme depuis aout. Il est orienté vers la base aérienne BA109 de Tours le 9 décembre 1939. Le 22 décembre il suit une formation rapide à l'école de pilotage de Cholet. À la suite de cette formation il est envoyé à Marrakech comme élève pilote militaire et la commence le 11 janvier 1940.
Nous avions peu d'éléments sur la base de Marrakech et la formation des pilotes en 1939-40. Nous savions qu'en 1939, l'escadrille 2/63 équipée depuis avril de bimoteurs bombardiers Amiot y a son port d'attache. Elle sera dotée un an plus tard des nouveaux Glenn Martin 167 américains. Le pilote Jean Hippeau a partagé ses souvenirs de la Base en 1939.
En fait nous n'avions pas de témoignages concernant le 1er semestre 1940, époque pendant laquelle Marcel Monjean y est élève pilote. En revanche pour le deuxieme semestre 1940 nous avons plusieurs témoignages.
Nous savons par exemple que le Capitaine Plique effectua le regroupement des LeO 451 du Groupe lourd II/23 entre le 25 juin et le 19 aout 1940. Nous avions dans le même temps de juin à octobre 1940, les souvenirs et photos de Guy Maumont, alors jeune mécanicien avion. Jean Kiechel aussi mécanicien arrive à Marrakech en novembre 1941 où il est affecté au GAR 1/52 que nous connaissons aussi par le pilote Emile MAIRE. L'école de l'Air n'avait pas encore été transférée de Salon à Marrakech. Cela n'interviendra qu'en 1943 à la suite de l'occupation par les nazis de l'ex zone libre. Nous en avions fait l'historique . École d'application du personnel naviguant (EAPN) dès janvier 1943.
Les documents concernant notre jeune élève pilote nous renseignent sur la vie de la Base et notamment sa Division d'Instruction pendant la courte période du 1er semestre 1940.
Marcel Monjean avait fait une courte formation de pilote d'avion militaire à Cholet
L'EEP 30 (École élémentaire de pilotage) de Cholet dépendait de l'EAP 14 (École auxiliaire de pilotage) d'Angers, laquelle dépendait de l'EPP1 (École principale de pilotage) d'Étampes.
La base de Marrakech (BA 207) avait une École principale de pilotage (non numérotée) mais qui fonctionnait sous la même organisation que les bases d'Étampes (EPP1) ou Avord (EPP2) ou Istres (EPP3).
Une EPP était organisée comme suit : Commandement, Division instruction au sol, Division d'instruction aérienne et Compagnie administrative.
Les appareils étaient affectés à la Division d’Instruction Aérienne qui comprenait :
- 25 chasseurs monoplaces (MS.406, MB.151/152 et quelques D.500),
- 20 biplaces d’entraînement (HD.182, LeO.20)
- 5 Caudron C.635 Simoun,
- 22 NAA-57 biplaces de perfectionnement.(ancêtre du T6)
Le cursus durait 4 mois et une EPP accueillait 75 élèves tous les 2 mois ; il y avait donc en principe 300 élèves simultanément en formation. La formation était complétée par une spécialisation en Centre d'Instruction CI (CIC pour la chasse, CIB pour Bombardement, CIR pour le Renseignement)
Dans les faits, le cursus des titulaires du brevet de pilote de tourisme était de 5 mois et celui qui débutaient sans ce brevet avaient une formation de 11 mois. Puis une autre organisation vint créer les Centres d'instruction ( CI ) et les associer aux EPP afin de permettre une affectation plus rapide des pilotes dans les unités combattantes.
La Base de Marrakech en 1940 était organisée en EPP. Elle portait le nom de "Base École de Marrakech, École Complète de Pilotage"
Nous savons que Marcel Monjean est arrivé à Marrakech le 11 janvier 1940 et son carnet de vol nous indique qu'il était Élève pilote et qu'il vola sur Luciole 3 la première fois le 26 janvier 1940, avec son moniteur l'Adjudant de Gabory qui devait se tuer avec son avion dans un accident quelques jours plus tard.
Son Carnet individuel des services aériens ou carnet de vol indique tout cela en première page. Cependant sur la dernière page (à gauche) apparaissent son cursus de pilote avant son arrivée à Marrakech. D'abord dans le civil, 1er degré obtenu à 17 ans et 2e degré à 19 ans avec son brevet de pilote sur avion de tourisme n°x9394 et un total de plus de 60 heures de vol. Puis après la réquisition de l'école de pilotage de Cholet par l'armée, suite à la déclaration de guerre, sa mobilisation le 3 septembre et sa formation complémentaire à l'École élémentaire de pilotage de Chôlet avec quelques cinq heures de vol qui lui valurent sa mutation à Marrakech pour se perfectionner sur d'autres avions militaires.
Son carnet individuel de vol comprend des renseignements sur l'École de Pilotage de Marrakech, qui a rang d'École Principale de Pilotage, avec les noms des officiers et des moniteurs, ainsi que les avions surlesquels s'effectuait la formation. On y découvre aussi que le terrain de Sidi Zouine était déjà urilisé pour la formation des pilotes en 1940.
Le Commandant de l'EPP, à l'époque le Lt-Colonel Bignolas, était aussi le commandant de la Base aérienne de Marrakech BA 207 (Ce n'est qu'en 1949 qu'elle devint BE707). Il avait sous ses ordres le Capitaine Truchement qui commandait ce qui deviendra plus tard la DI et qui à l'époque s'appelait la Division d'Instruction Aérienne (DIA). Le jeune pilote prendra dès la première minute de vol les commandes de sa Luciole3 avec son premier moniteur l'Adjudant de Gabory comme observateur.
Le nom complet de son moniteur était Alain Le Taillandier de Gabory. Il est mort pour la France le 29 mars 1940 à la suite d'un accident avec le pilote polonais Besko. Il était né au château de Virsac en Gironde en novembre 1911.
Le Lt Colonel Alphonse Bignolas venu de la Cavalerie est passé dans l'Aviation en 1918 en devenant pilote. Le Capitaine Jean Truchement venu aussi de la Cavalerie est passé dans l'Aviation en 1915, mais fit un long séjour à l'hôpital. Il prit une retraite active à Marrakech où il est mort en octobre 1960. Sa tombe (voir photo) se trouve au cimetière européen du Guéliz. Il habitait 24 rue Bab Agnaou.
C'est avec la formation de l'Adjudant de Gabory que le jeune élève pilote effectura son premier laché le 2 février sur M315. Il ne savait pas que son moniteur allait se cracher huit semaines plus tard. Il connaitra aussi d'autres moniteurs: les sergents Jouville, Ruyssen, Guise (tué en service commandé à Bergheim le 4 novembre 1944) et Davan. Le Capitaine Truchement est remplacé à la tête de la DIA par le Commandant Duparc ? En plus du M315, il pilote le 162, le 201, le 135.
En mars ses moniteurs sont le sergent Davan et l'Aspirant Rabion, il pilote sur M315, H182, M230, Il s'exerce sur la base annexe de Sidi Zouine les 4, 8 et 29 mars.
Les élèves pilotes se retrouvent à la piscine le dimanche
Il s'agit probablement de la piscine qui se trouvait vers le casino à moins que ?
En avril il est avec de nouveaux moniteurs, le Sergent Chaudrine et l'Adjudant Baron sur M315, M230 , Potez 25. Il passe les épreuves du brevet du 17 au 20 avril.
En mai il poursuit avec l'Adjudant Baron sur Potez 25, puis avec le Sergent Abdies sur M230. Le Lt-Colonel Bignolas est remplacé par le Capitaine Ducos et la DIA est commandée par le Capitaine Moncey (décédé de maladie en aout 1940, Base aérienne 116 Luxeuil-St Sauveur)
En juin il est instruit par le Sergent Bouquillard (mort pour la France en mars 1941, abattu en vol - Squadron 245) et l'Adjudant-Chef Ortoli sur North American Aviation (les précurseurs des T6 étaient deja à Marrakech en 1940), puis avec le Lt Caulier.
Le Capitaine Ducos commande la DIA et le Lt Rouzaud commande provisoirement le 2e groupe d'Instruction. Il est affecté à la base aérienne de Bizerte BA 205 à la date du 18 juin 1940.
A l'issue de sa formation effectuée à la satisfaction de ses chefs, le 1er juillet 1940, il est proposé par le Lt-Colonel Bignolas, pour être promu au grade de Sergent. Mais le Général Noguès commandant les armées au Maroc avait suspendu toutes les promotions à la date du 30 juin.
Par la suite Marcel Monjean est affecté à la BA 205 - Bizerte (Tunisie) nais la démobilisation vient quelques semaines après, le 23 septembre 1940
Il rentre en France et se marie en mai 1942
Le pilote MONJEAN avec sa femme et ses beaux parents en région parisienne
Résistance: Monjean est dans la Résistance depuis mai 1942 jusqu'en juillet 1943 au sein du mouvement "France combattante". Ensuite, il est au Front National de la Police jusqu'en aout 1944. Son unité est chargée de la Défense de l'Ile de la Cité. Il est Gardien de la Paix dans la Capitale, secteur sud, 2e compagnie de circulation
Il ne parlait pas de cette période, mais ses fils ont obtenu quelques paroles: "Je crois qu'après la démobilisation mon père a été actif à partir de 1943 dans la Résistance sous le pseudo de James, mais il ne voulait pas en parler car disait-il "ce n'était que son devoir". Un jour en se lâchant il m'avait dit qu'il avait failli se faire prendre par la Gestapo, car il devait effectuer un vol ?? Un de ses compagnons avait été pris par la Gestapo, car il s'était endormi, caché dans un avion "
Lors de la reprise de Paris, dans la semaine du 18 au 25 aout 1944, il est Franctireur F.F.I. et prend une part active à la Libération de Paris. Le 19 aout, 2000 policiers résistants s'étaient emparés de la Préfecture de police. Le lendemain ils prirent l'Hotel de Ville. Puis les FFI encerclent les îlots de réssitance allemands. La ville de Paris une fois libérée, le commandement FFI rend les policiers résistants à la Police parisienne: 177 d'entre eux sont morts dans ces combats.
Marcel Monjean n'effectuera pas de démarches pour faire reconnaître sa qualité de Résistant, comme il aurait pu le faire avant 1951. Comme beaucoup d'autres, il a préféré s'intéresser à l'avenir. Ainsi il ne figure pas sur les listes récapitulatives très incomplètes. Mais il avait conservé sa carte du Conseil National de la Résistance et son inscription aux FFI numérotée 254257.
Marcel MONJEAN a continué à exercer dans la Police parisienne, renonçant à devenir pilote dans le privé. Il avait trop vu de pilotes morts par imprudence, comme son premier moniteur l'adjudant Gabory. C'est donc dans la Police qu'il a effectué et terminé sa carrière. Il est décédé en 2007.
Merci à la famille MONJEAN qui nous permet de connaitre un peu mieux comment fonctionnait la formation des élèves pilotes à Marrakech pendant le premier semestre 1940. Le blog et les anciens de Marrakech lui en est reconnaissant. En retour, des lecteurs du blog pourraient échanger avec elle sur les souvenirs des Résistants de la "France combattante", du "Front national de la Police, section Paris-sud" et des FFI ? Est ce que le pseudo de JAMES est connu dans la résistance ?
Si d'autres familles disposaient d'informations ou de photos sur la Base aérienne de Marrakech à cette époque, celles-ci seraient les bienvenues et pourraient être publiées soit dans les commentaires, soit sous la forme d'une nouvelle page du blog.